Il y a celui que nous sommes et celui que nous nous rêvons
être, et les deux coïncident si peu que le second empêche toujours le premier
de jouir de qui il est.
***
Camille de Peretti, il faut le savoir, s’inspire de faits
réels pour tisser son histoire.
Concernant la trame historique, ce portrait a été peint en 1910 par Gustav
Klimt, puis acheté par un inconnu en 1916.
Il apparaît ensuite au sein du Musée d’art moderne Ricco-Oddi à Plaisance en
Italie.
C’est en 1996 qu’une jeune historienne d’art se rend compte des similitudes
entre ce tableau et un autre disparu depuis des décennies. Elle fonce à
Plaisance et demande au conservateur de le radiographier afin de vérifier s’il
ne s’agit pas de la même toile. Apparaît alors en superposition le portrait au
chapeau sous le portrait actuel. Il s’agit donc de l’unique repeint de
Klimt !
Quelques mois après cette découverte, il est organisé une grande exposition au
musée en l’honneur du tableau et de l’artiste. Mais pendant les préparatifs, il
est volé ! Il devient alors l’œuvre la plus recherchée au monde, après La
Nativité de Caravage (toujours pas retrouvée).
Puis c’est en 2003 un nouveau rebondissement, puisqu’un trafiquant d’art bien
connu des autorités passe aux aveux : il a bien volé le tableau mais
ignore qui en était le commanditaire. Par contre, il annonce qu’il sera rendu
au musée au vingtième anniversaire de son vol, soit en 2017.
Mais il faudra attendre 2020 et la présence d’un jardinier
pour voir réapparaître dans une trappe d’aération le tableau, en parfait état
et avec les cachets du musée apposés à son dos !
Une épopée digne de celle qu’a connu la Joconde en son
temps, voir encore plus incroyable !
Et c’est autour de cette histoire incroyable que Camille de
Peretti crée sa fiction.
Au travers d’une fresque rocambolesque qui s’étend de 1810 à 2019, elle retrace
les vies du modèle (toujours inconnu en réalité), de son fils et de ses
descendants.
Grâce à la fiction, elle réécrit l’histoire du tableau, explique pourquoi Klimt
a repeint son portrait et pourquoi l’œuvre a été volée puis rendue.
C’est une histoire qui rend hommages à l’œuvre mais aussi
aux modèles qui ont posés, pour lui ou les autres, ces femmes que l’on appelle
« les muses » et qui ont inspirés les plus grands artistes de la
planète.
Tout comme les personnages, le lecteur traverse le XXe
siècle et les pays déchirés par les guerres qui se succèdent.
Bourré de rebondissement, le récit est fluide et la prose claire. Nous sommes
plongés, avec l’autrice, autant dans la Vienne impériale que dans le New York
des années 60.
Quant au personnage principal, Isidore, il est bourré de
facettes contradictoires qui montre une personnalité riche, qu’on aime et qu’on
déteste. Il est à la fois ce jeune garçon qu’on a envie de protéger et cet
homme ambitieux, voire arriviste qu’on a envie de détester.
***
C’est un récit qui questionne sur l’identité, la
transmission et les liens qui nous unissent à nos ancêtres.
C’est aussi une histoire dans l’Histoire, une boucle infinie qui se répète.
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